C'est-à-dire qu'à la mi-septembre, tandis que le soir notre pendule sonnait les sept heures, dehors il faisait nuit, et ceci je ne le remarquais un soir, que très tardivement, vers la fin de mon premier séjour.
Nous devions avoir deux heures de décalage par rapport à l'heure qu'on nous impose actuellement en été, et une heure de retard sur notre heure d'hiver actuelle.
C'est que nous n'avions nul besoin d'être calés sur une quelconque heure citadine.
La nuit et le jour, et le gargoullis de notre estomac étaient nos seuls repères.
Le feu ,dans la grande cheminée bordée de briquettes rouges, crépitait en faisant cuire quelque chose dans une grande bassine, peut-être de la confiture, tandis que le balancier de la vieille pendule, battait discrètement.
Nous n'écoutions point la radio, et cela ne nous manquait pas.
Le vieux Basile mangeait sa soupe aux fèves et aux haricots, toujours coiffé de son béret qu'il ne retirait jamais, et toujours revêtu d'un tablier de travail, et d'un pantalon bleu à rayures.
Rasé quand il le voulait bien, ce vieux Basile me faisait penser à un hérisson, mais il était bien gentil quand même.
La première année où je vins, Basile était toujours flanqué de son Fanor, un fidèle chien de chasse aux yeux tristes lui dévorant le visage et d'une grande douceur.
Quand nous mangions du confit, il venait toujours déposer doucement sa tête sur mes genoux mais en se faisant bien sentir? et me disais : "quand tu auras fini ta viande, n'oublies pas de me donner ton os !"
Souvent il guettait ce même moment quand Basile mangeait : Basile avait d'ailleurs trouvé une manière plus simple : quand il avait finit son confit, et de curer l'os qu'il avait encore en bouche, il se penchait légèrement vers Fanor, ouvrait la bouche : et Fanor récupérait immédiatement l'os, à la volée !
Ce vieux Basile, qu'on appelait aussi Pépé n'était pas impotant, mais il avait un problème au dos, qui faisait qu'il était toujours à soixante dix degrés quand il marchait, et se déplaçait ainsi, courbé, à l'aide d'une canne.
Il ne pouvait être d'une grande utilité pour sa femme, Jeanne, qui était obligée de tout faire par elle-même, et quand il voulait l'aider, il faisait toujours des bétises, et se faisait engueuler : si bien que ma venue à la ferme fut très appréciée.
Elle faisait les travaux de la ferme, et aussi tenait au dessus de l'étable un petit potager , protégé des allées et venues et des convoîtises des veaux et vaches par un grillage.
Devant la ferme, il y avait la basse cour et la mare aux canards, ces derniers étant nombreux, ainsi que les poules.
Quand je ramenais les vaches et les oies du pré qui était à peu près à quatre cent mètres de là, je passais toujours par cette cour devant la maison, pour ramener les vaches à l'étable.
A côté de la ferme proprement dite, il y avait, en dépendant, un grand champ de maïs, sur la droite, quand on regardait, depuis le perron situé en haut d'un escalier, vers léglise de Saint-Aubin, bordé de part et d'autres par deux chemins assez larges, et en contrebas, la topographie étant légèrement vallonnée, une prairie assez grande où l'on faisait pousser du trèfle, qui coupé, servirait de fourrage.
C'est Maurice, en voisin, là où était mon frère Patrice, qui viendrait faire ce fauchage, avec son tracteur et sa faucheuse mécanique attelée.
Ce qui occasionna un drâme : courant juillet, Maurice vint en milieu de matinée, effectivement faucher ce champ de trèfles : mais ce pauvre Fanor dormait dans le champ.
Il se fit malheureusement sectionner la patte arrière et partiellement une patte avant, car le trèfle était haut et Maurice ne le vit pas.
Me souvenant de ce que j'avais appris à l'école, je le pris avec moi et on le transporta dans une grange devant la ferme, et je lui fis un garrot.
Il ne bronchait pas et me regardait d'un air pensif : puis il finit par mourir, en milieu d'après-midi.
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L'année suivante, début juillet, à mon arrivée, je fus accueilli par deux petits chiots de chasse, encore bébé, dont on me confia l'élevage : je leur préparais donc tous les midis une bouillie de lait en poudre : ils prirent vite le plis de me voir et dès que je rentrais dans un coin de l'étable, là où on les avait mis, dans un petit panier avec de la paille où ils se tenaient bien chaud, tous les deux, ils se réveillaient immédiatement en frétillant de leur petite queue.
C'était deux petits chiots noirs et blancs, au poil ras, et déjà tout dodus, tout rondouillards...
A la ferme, on n'avait pas de tracteur, mais on avait des vaches qui servaient, à l'aide d'une carriole, de moyen de locomotion, pour porter des charges notamment : on leur mettait un joug qui unissait les deux bêtes avant de les atteler.
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Un vache avait eu des veaux, qui grandirent et un jour il fallut en faire des boeufs, qui seraient bien utiles pour tirer ces charges.
Alors un jour vint un vétérinaire qui procéda, c'était la première année de mon séjour, à la castration de ces deux pauvres veaux.
L'opération fut rapide, mais certainement pas sans douleur pour les pauvres animaux qui décochèrent, dans le vide, de vigoureux et très secs coups de sabots à vous briser une jambe.
Les testicules des animaux, laissés là à l'abandon, ne furent pas perdu pour tout le monde, les canards s'en emparèrent, les traînant et se les disputant comme des vautours de la savanne autour d'une charogne ...
L'année suivante, quand je revins, les deux veaux avaient forcis et devenaient, bien que jeunes encore deux beaux boeufs très forts.
Ils s'entendaient très bien tous les deux et servaient très bien à l'attelage.
Ils étaient beige roux sur le dessus, et blanc crème en dessous, et étaient très dociles.